Du 24 au 27 mars, l'immense bâtisse de Lille Grand Palais revêtait l'allure d'un immense cabinet de curiosité. Et pour cause, Lille Art Fair célébrait sa quatrième édition. Rassemblement phare des esthètes et des amoureux d'art contemporain, cette foire accueillait, pour ce nouveau volet, 80 galeristes dont dix lillois. Symbole de son expansion, certains exposants ont fait le déplacement depuis la Belgique, les Pays-Bas, la Suède, l'Allemagne, l'Italie, le Japon et Singapour. Cette année, Didier Vesse, directeur artistique de l'événement, s'était donné l'ambitieux projet d'insuffler "une vision 360 ° de l'art contemporain". Nous sommes parties à l'assaut des allées recèlant mille et une peintures, sculptures, estampes et photographies. Nous avons la primeur de l'exposition. Les galeristes peaufinent encore la scénographie de leurs stands, les agents de logistique réglent les derniers préparatifs... En route!
Notre cheminement débute avec la galerie photo "Images de fer" où des clichés dépeignent des paysages métalliques. Alain Pras transcende les usines, les échafaudages, les ports par delà les frontières. Une démarche singulière qui tend à valoriser le patrimoine industriel et architectural international. Nous poursuivons notre visite sur le stand de la galerie régionale "Vertikall". Le célèbre "Mimi the clown", personnage bien connu des Lillois, prend la pose. Face au nez rouge, le graffeur milanais Orticanoodles laisse apparaître les squelettes de Benoit XVI ("The Black Pope") et de Barack Obama. Plus loin, notre regard est happé par les estampes de David Delesalle. On craque pour ses Playmobils grandeur nature : "Le canonnier du roi" et "Le clown". A l'origine de cette belle découverte : le Museé du dessin et de l'estampe de Gravelines.
Ambiance vintage et rock'n'roll pour le comptoir "Anne Valérie" qui met le travail de Cyril Le Van sous les projecteurs. Imperméables kitschs, vestes en cuir, vinyls sont épinglés au mur. Marqueur social et identitaire par exellence, l'artiste plasticien s'interroge sur la place du vêtement dans nos sociétés modernes. Composées de bâches imprimées (à partir de modèles existants), assemblées par couture ou agrafage puis rembourrées de mousse polyuréthane, ces scupltures interrogent à l'heure où l'apparence est à son paroxysme. Direction la "Galerie des Remparts" où des toiles aux tons acidulés viennent piquer notre curiosité. Mangas, personnages de Walt Disney et comics à la Marvel s'entremêlent. Un désordre plutôt agréable à contempler.
Honneur aux dames chez "Nicole Gogat" où Cécile Desserle tire le portait de la gente féminine avec une dominante de noir et de blanc. Cyrille Charro de la galerie "Colorfield" joue avec notre perception via ses toiles lenticulaires. Une femme avale et recrache la fumée d'une cigarette, une rose éclot puis se fane. Entre la photographie et le cinéma, la frontière est mince.
La Galerie Xavier Ronse fait fleurir une série de crânes emprisonnés dans leurs écrins de verre. Version "Robocop", technicolor, tranches de bacon, chapeau melon ou Salvator Dali, il y en a pour tous les goûts.
Fraîchement débarquée dans le paysage bruxellois,la Mazel Galerie met en scène Bernard Pras et ses portraits insolites composés d'objets du quotidien : "Vanité", "Catwoman in red", "Fantomas" ou encore "L'oncle Sam". Une observation ludique qui mène le spectateur à répertorier coquillages, jouets d'enfant, capsules, figurines et bien d'autres! Quant à Quentin Garel, il préfère nous transporter dans les méandres de la jungle où cohabitent dangeureux reptiles, singes et autruches... Ces sculptures en bronze atteignant parfois plus d'1m70 nous rapetissent sans aucun doute!
La galerie "Maud et Iséo" nous invite à franchir le seuil d'une drôle de pharmacie ! En vitrine, des squelettes dignes des cours de sciences et vie. Laissez-vous guider par les conseils avisés du Docteur F. Courbe, artiologue, qui pourra exercer ses compétences en cas de : "de doux leurres et/ ou de fièvre de l'art tels que la tête de veau, l'état j'erre, doux leurres dantesques..." Avec ces vanités, l'artiste opère une remise en question de l'industrie pharmaceutique et de notre consommation médicamenteuse excessive. Il en revient aux prémices de la médecine, qui autrefois, étaient associés à la magie, à l'illusion ou au maraboutisme.
Les oeuvres dynamitées d'Antoine Bouillot font mouche et ça se bouscule à la galerie roncquoise Bacqueville. "Tell the truth and run", dispositif 3D/2D fait un joli pied de nez à l'industrie du luxe. Chanel, Balenciaga ou Vuitton n'ont qu'à bien se tenir! Pendant ce temps, Wen Fang dresse un portrait corrosif de la Chine actuelle via son allégorie de l'adage chinois "Il pleut des couteaux". Enfin, Alain Delorme nous présente ses "Little dolls", petites filles fardées aux yeux écarquillés arborant fidélement le visage de leurs mamans. Des mini-miss en devenir ? Après les States où les concours de beauté sont légion, l'artiste nous guide au pays du Soleil Levant. Ses clichés nippons impressionnent tant par la performance de leurs protagonistes transportant à l'arrière de leurs vélos des montagnes de fleurs, de chaises... que par leurs couleurs flamboyantes.
Du côté de chez Virgile Durand, Aurélie Mantillet fait référence aux romans d'anticipation de George Orwell notamment avec "Brave new world". Ici, gros bébés installés dans des tambours mettent l'accent sur les dérives de l'eugénisme. La galerie "Le songe d'Icare" met en lumière l'artiste James King qui, par sa vision très bédéesque des rues parisiennes, nous plonge à grand coup de pinceau dans l'effervescence du R.E.R et du quartier Barbès. Chez "Dock Sud", on fait la part belle à Shen Jingdong, ancien soldat qui a servi l'armée chinoise pendant 20 ans. Son travail vise à redessiner les traits de ses collègues de régiment.
Vidéo Art Fair : La nouveauté de cette quatrième édition tient dans l’installation de petites salles de projection mises en place par L’Espace Croisé de Roubaix. Des films soignement sélectionnés pour l'occasion, le plus souvent, avec les artistes ayant déjà exposé dans la structure roubaisienne. Le scénario de " L'hypothèse du Mokele-Mbembe" de Marie Voignier tourné au sud du Cameroun capte notre attention. Le vidéaste part à la recherche d'un animal étrange et légendaire qui apparaît dans les écrits des Pygmées Baka depuis plus de deux siècles. Le Fresnoy, l'Espace visionnage Galerie Lille Art Fair et ArtenAct sont également de la partie.
La Nuit de l’Art : Instaurée l'an dernier sous l'impulsion de Didier Vesse, la Nuit de l'Art offre l'opportunité de discuter de manière informelle avec les galeristes et leurs artistes. Cette soirée placée sous le signe de la performance permet au public de se poser face à l'oeuvre mouvante d'Akané Kirimura. Parée d'une robe en papier asiatique illuminée de leds et imprimée de proses, une jeune femme se livre à une danse gracieuse sur fond de lecture. Quelques pas plus tard, nous retrouvons Patrick Chappert-Gaujal, artiste et membre du comité consultatif de Lille Art Fair. Performer, il vient d'achever une toile abstraite aux lignes futuristes. "Ici, j'ai mis l'accent sur les contrastes en noir et blanc. Pastels en main, j'entame mon oeuvre à la manière d'un calligraphe. A l'accoutumée, mes toiles sont bien plus colorées. C'est un langage ouvert, mes créations sont sans titres afin que les visiteurs soient libre d'observation et d'interprétation."
Voici un aperçu de son travail lors de la Foire européenne d'art contemprain de Strasbourg : ST-art.
Cette quatrième édition de Lille Art Fair a enregistré une hausse de fréquentation de 18% ainsi qu'une montée des transactions. Un bilan plutôt satisfaisant qui a permis à plus de 15 000 visiteurs de découvrir ou de redécouvrir un beau kaléidoscope de l'art actuel. Désormais, Lille Art Fair est "un rendez-vous que les galeristes attendent, tout comme les visiteurs" constate Didier Vesse. Noircissez d'ores et déjà vos agendas, les prochaines dates ont été annoncées, l'art posera ses valises à Lille Grand Palais du 12 au 15 avril 2012.
