Tous les contes ne se déroulent pas bien. Le roi Arthur et la reine Guenièvre cherchent à comprendre ce qui est arrivé à leurs enfants : enfuis ou morts ? Au coeur de cette création pour l'opéra, la jeune Marta, "the loveliest doll child, world dreams, world marvels, world smiles" (l'enfant poupée le plus adorable, des mondes oniriques, des merveilles du monde, des sourires du monde), se trouve au coeur d'un décor simple mais très significatif, où on cherche à distinguer ce qui relève précisément de l'onirique et de la vérité. "J’aime beaucoup écrire sur la façon dont on se souvient dont les choses se sont effectivement passées, parce que les gens se souviennent des choses comme ils auraient voulu qu’elles soient.", précisait le dramaturge Gerhild Steinbuch. "Je voulais souligner ce conflit entre la réalité et le fantasme qu’on en a". Précisions d'ailleurs que le texte est à l'origine allemand, adapté en anglais par Douglas Deitemyer. Peut-être parce que l'histoire est universelle ?
La réalité du conte, néanmoins, prise en étau entre le fantasme du passé et le souvenir, portée par la musique de l'excellent compositeur autrichien Wolfgang Mitterer. Le projet est d'ailleurs européen, écrit pour des chanteurs de plusieurs nationalités et mis en scène par le Français Ludovic Lagarde. L'opéra fait ainsi sa première mondiale à l'Opéra de Lille, friand d'innovations et prouvant une fois de plus sa capacité à se renouveler à travers des projets contemporains à la portée large (on pense notamment à Finoreille). On ne quitte pas la scène des yeux, fascinés par cet univers parallèle qui ressemble furieusement à ce qui pourrait être le futur de notre société. La reine, le roi ? Le pouvoir. Les enfants ? L'avenir de l'humanité. On pense forcément à Metropolis, qui se révèle effectivement une des sources d'inspiration de Lagarde. Soulignons d'ailleurs une mise en scène impeccable, et les choix de décors et de lumière sont loin d'être en reste dans cet univers où tout est signifiant. Brassant les références et les légendes, Marta se révèle un des opéras modernes les plus intéressants qu'on ait pu voir ces dernières années. Après Lille il file en avril à Reims et on lui souhaite une route plus longue encore.
