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Mon Élue Noire (sacre # 2) au Colisée de Roubaix

En cette fin de semaine, Olivier Dubois nous conviait à son week-end dansant : JOUVENCE. Accessible à la jeune création, ces trois jours étaient l'occasion de découvrir des pièces hétéroclites, osées et innovantes. Le directeur du Ballet du Nord et la danseuse Germaine Acogny, directrice de la célèbre Ecole des Sables au Sénégal ouvraient le bal en se confrontant au Sacre du Printemps au Colisée de Roubaix. C'est dans une série de chorégraphies avec diverses artistes qu'Olivier Dubois recréer à sa manière le Sacre. La première pièce : Prêt à baiser fut créée en mai 2012 au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. MON ELUE NOIRE est donc une réinterprétation d'une pièce mythique, qui questionne toujours autant concernant la quête universelle de l'identité, des racines, des rites, et des groupes ce pourquoi de nombreux chorégraphes s'y sont déjà frottés tels que Maurice Béjart. Ce dernier avait d'ailleurs créé un Sacre pour la danseuse franco-sénégalaise mais la pièce n'aura finalement jamais vue le jour. C'était donc l'occasion d'une collaboration entre Olivier Dubois et Germaine Acogny pour y mettre l'Afrique à l'honneur.

Lorsque le spectateur arrive dans la salle, il est déjà happé par une haute colonne placée en avant-scène. Puis la musique démarre, le public est déjà transporté par l'oeuvre de Stravinsky. C'est le noir sur le plateau, on ne perçoit que la silhouette de la danseuse lorsqu'elle allume son brûle-gueule, elle se trouve dans la colonne dont les parois sont transparentes. La danse africaine est très expressive, elle fait appel aux racines, aux sources et s'oppose aux jeux de lumières et de fumées très modernistes. Des néons sont disposés dans la colonne surélevée créant des jeux d'ombres.L'interprète paraît machiavélique et semble s'affranchir sur la musique puissante.

Le spectacle prend une tournure politique ce qui a rendu perplexes certains spectateurs. La danseuse est presque possédée, elle déverse son mal en citant le Discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire : "En ce qui me concerne, si j'ai rappelé quelques détails de ces hideuses boucheries, c'est parce que je pense que ces têtes d'hommes, ces récoltes d'oreilles, ce sang qui fume, on ne s'en débarrassera pas à si bon compte. (...) la colonisation, déshumanise l'homme même le plus civilisé. (...) le colonisateur, qui pour se donner bonne conscience, s'habitue à voir dans l'autre la bête, s'entraîne à le traiter en bête, tend objectivement à se transformer lui-même en bête.". Pendant toute la durée du spectacle Germaine Acogny sera enfermée dans la colonne, cela dérange mais fascine à la fois. En effet cette "mise en cage" de la danseuse fait référence au zoo humain lors des expositions coloniales au vingtième siècle. La danseuse paraît en même temps divinisée, comme une icône dans cette "cage", elle se transcende littéralement face au public. Elle se délivre d'une douleur en étalant de la peinture blanche dans la cage et sur son corps. Elle déverse le reste du contenu hors de la colonne comme pour vider le sang impur du colonisateur qu'il l'aurait maculée. Tous les gestes de la danseuse sont fascinants.

Germaine Acogny est l'élue, à soixante dix ans, la danseuse et chorégraphe suscite l'admiration, un moment saisissant qui unit le talent précurseur d'Olivier Dubois et le charisme de Germaine Acogny. Sans que le thème du Sacre ne soit trahi, MON ELUE NOIRE est la pièce phare de JOUVENCE. Elle retrace avec intelligence et modernité une part sombre de l'Histoire et de l'identité africaine.

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