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Monkey Money à l’Idéal de Tourcoing

Brillant ! Il n’y a pas d’autre mot pour qualifier le spectacle de Carole Thibaut, Monkey Money. Cette oeuvre est réellement complète : le texte est d’une grande richesse littéraire, l’intrigue est d’actualité et la mise en scène est percutante. Tous les ingrédients sont là pour faire de ce spectacle un grand moment de théâtre.

Dans la société imaginaire inventée par l’auteure, un mur sépare les riches des pauvres. Alors que la Bee Wi Bank est en pleine célébration avec son PDG, ses actionnaires, un homme qui vient de l’autre côté – un pauvre – s’invite à la réunion et menace de s’immoler si sa dette, son crédit n’est pas effacé…

Parler de notre société et de ses clivages sans tomber dans la caricature ou la démagogie est difficile. Parler de notre société avec poésie est rare. Carole Thibaut l’a fait. Son texte mêle comique, cynisme, lyrisme, tragique. Elle ne condamne pas « les riches » mais questionne la responsabilité de chacun face à l’impasse où nous semblons nous trouver : ses « riches » peuvent être touchants, comme K, la fille du directeur de la banque, qui se soûle au « champagne tiède » afin d’oublier, ses « pauvres » peuvent être abjects, comme Le Fils, qui prostitue sa sœur pour quelques billets. Les mots de ses personnages sonnent juste, sonnent vrai, et font écho aux grands textes que l’auteure se plaît à intégrer dans son théâtre : Villon, Rabelais, Hugo trouvent un souffle nouveau dans la bouche de personnages de notre époque…

Le personnage principal K est brillamment interprété par Elizabeth Mazev. Grande bourgeoise cynique et désabusée, petite fille méprisée par son père, femme qui refuse d’être mère, d’être responsable de quiconque, Elizabeth Mazev donne tous les visages à son personnage. Elle occupe l’espace et entraîne tous les acteurs dans son jeu. L’un des grands moments est certainement celui où, alors que le PDG de la Bee Wi Bank vient de nommer son successeur, ce jeune nouveau Directeur se retrouve face à K, qui lui propose de l’épouser. Elle, qui pourrait être sa mère, lui propose de rentrer par alliance dans le cercle des grandes familles. Elle dépeint alors ce monde auquel elle appartient, met en avant ses codes, ses lois, ses mécanismes de défense. Cette réflexion sociologique, très proche des idées de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot (Lire Les ghettos du Gotha), est incarnée sous les traits d’une femme lucide sur son univers, qui ne peut que boire du champagne pour prendre de la distance.

A voir d’urgence à L’Idéal de Tourcoing du 12 au 22 novembre

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