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Notre Terreur au Théâtre de l’Idéal

Sylvain Creuzevault remonte le temps et nous invite à revivre la chute de Robespierre. Ce 15 février à Tourcoing, de nombreux spectateurs étaient prêts à tenter l’expérience. La salle est comble. Tous sont venus redessiner les contours de l’Histoire et, plus particulièrement, les événements du 5 septembre 1793 au 27 juillet 1794. Après Visage de feu de Mayenburg, Baal de Brecht ou encore Le Père Tralalère, Notre Terreur se veut le fruit d’un travail mené par dix acteurs issus de la Compagnie D’ores et déjà. Cette création de 2h30 brosse le portrait des dix membres du Comité de Salut Public nommé pour un mandat d’un mois renouvelable sous l’aval de la Convention nationale. Cette dernière accordera sa confiance à Lazare Carnot, Antoine Prieur de la Côte d’Or, Nicolas Billaud-Varenne, Antoine Saint-Just, Georges Couthon, Jean-Marie Collet d’Herbois, Robert Lindet, Maximilien Robespierre, Bertrand Barére et Marie-Jean Hérault de Séchelles. « Nous incarnons ces hommes plutôt que de figurer leur légende […] nous les faisons devenir n’importe qui » relève le metteur en scène. Le spectacle, en constante mouvance, change de visage au fil des représentations car ici, l’improvisation occupe une place de choix. Une fois installé, le public contemple la scène et attend le coup d’envoi de la pièce. C’est alors qu’Antoine Saint-Just surgit de nulle part et bouscule l’imaginaire collectif sur Robespierre le sanguinaire, le terroriste, le tyran. L’était-il vraiment ?

L’agencement singulier du Théâtre de l’Idéal à Tourcoing se prête parfaitement à la scénographie de Julia Kravtsova. Une longue table, modeste, sur laquelle s’éparpillent bouteilles d’alcools, portraits photos, taille crayon en forme de guillotine, cartes militaires, ballon gonflé à l’hélium… On s’attend à un grand festin mais c’est finalement un débat qui s’empare des comédiens. Tapie dans l’anonymat, parmi les spectateurs, la petite troupe s’éveille et nous plonge dans un joyeux brouhaha. Autour de la table, les membres du Comité se révoltent, se chamaillent et se battent pour régler le sort de ceux qui avancent à contre-courant de la Révolution française. Le public s’immisce au cœur de ces réunions survoltées et est témoin du vote de la création d’un bureau de police général ou encore d’une loi visant à l’ouverture des caves parisiennes pour en extraire le salpêtre. Ils se soucient, entre autres, de la juste répartition des parcelles de terres des paysans et tordent le coup aux bourgeois s’engraissant au détriment des plus démunis. Avant-gardiste, le comité soumet l’hypothèse des femmes siégeant au gouvernement : « un club des Jacobines sans culottes ». Utopistes, ces politiciens, avocats, économistes luttent pour une société humaniste jusqu’au moment où la discorde s’installe. Robespierre se dresse seul contre tous et quitte le groupe…

Malgré un dénouement difficile à saisir (l’apparition du fantôme de Danton, fraîchement décapité, Robespierre en slip s’aspergeant de peinture et savourant langoureusement une orange avec son épouse Eléonore…) cette adaptation contemporaine de la Révolution française est pertinente. On salue la performance et le jeu des acteurs, largement ovationnés par le public. La scénographie permet une grande liberté de mouvements où les comédiens s’offrent moult extravagances. En effet, la table sert d’estrade tant pour s’adresser à l’assemblée que pour danser. Les traits d’humour sont omniprésents notamment via les anicroches entre Prieur, l’introverti et Carnot, le conquérant. Notre Terreur est un véritable brassage de genres où danse, opéra, marionnettes, numéros de clowns, mimes et rap version Saïan Supa Crew (lecture du texte de Georges Büchner) s’entremêlent.

En collaboration avec le Théâtre du Nord.

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