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Orphelins à l’Idéal de Tourcoing

Imaginée par Dennis Kelly et scénographiée par Arnaud Anckaert, Orphelins nous plonge sans ménagement dans le quotidien d’une famille comme les autres, apparemment sans problème. Le rideau s’ouvre sur une scène triangulaire qui représente une cuisine : une table, deux chaises, des assiettes, des couverts, quelques fleurs plongées dans un vase. Un couple dîne tranquillement jusqu’à ce qu’un jeune homme débarque à l’improviste. Ce n’est pas un inconnu, ni un voyou, c’est Liam, le frère de la jeune femme, Helen. Désappointé, il a le visage et les vêtements maculés de sang. Ses propos sont incohérents. Il ressemble à une bête apeurée, s’assoit, se relève, multiplie les allers-retours jusqu’à en venir aux faits : "il y a eu un accident". Non loin d'ici, à Markham Street, il a trouvé un gamin inconscient, lacéré au couteau. Un Pakistanais. Il s’évertue à convaincre le couple de déménager de ce quartier craignos. En vain, le quartier n’est pas un havre de tranquillité, certes, mais « il est bien desservi par les transports en commun et un Starbucks ne va pas tarder à ouvrir ses portes ! » argumente Danny. Cette insécurité latente est palpable. Elle pèse sur le moral de la jeune femme qui n’en peut plus de se faire injurier de « connasse » et de « salope ». Vite, le spectateur comprend que Liam est un personnage psychologiquement instable qui a déjà eu des démêlés avec la police. Casier judiciaire à l'appui. C’est grâce à la bienveillance de sa sœur qu’il l’a échappé belle et qu’il n’est toujours pas derrière les barreaux. Mais pour l'heure, il pourrait faire un suspect idéal. Danny est un homme tiraillé entre son intégrité et le profond amour qu’il porte à son épouse. Il voudrait agir en véritable citoyen, appeler la police, tout leur raconter et venir en aide à ce pauvre gamin gisant sur le trottoir… Mais voilà, Helen en a décidé autrement : mentir pour protéger la seule famille qui lui reste, son frère. "On ne va pas aider une personne qu'on ne connaît pas !". Sans père, ni mère, tous deux semblent avoir traversé une enfance difficile, ballotés de foyers en familles d’accueil. Pourtant, Liam n’y met pas du sien pour se sortir des petits trafics et de sa sordide condition. Il s’entoure de mauvaises fréquentations notamment d’un certain Yann. Une brute épaisse, collectionneur d’objets nazis, du genre boîtes de zyklon B, machettes du Rwanda, mains coupées de la République démocratique du Congo…
Danny insiste et n’arrive pas à faire faux bond à sa conscience : « Ce jeune homme va t-il mourir ? Quelle sera la portée de notre décision ? » Les langues se délient, le drame s’éclaircit. Les pires travers de l’homme mènent une danse macabre où la peur d’autrui et l’individualisme règnent en maître jusqu’à commettre l’irréversible.

Peu à peu, ce fait divers met en lumière les failles amoureuses et familiales. Helen, déjà maman d’un petit garçon de cinq ans n’est plus sûre de vouloir garder l’enfant qu’elle porte. « Parfois, je te regarde et je trouve que tu es vraiment une merde » invective-t-elle à son mari. Le spectateur en sait davantage sur le douloureux passé de la fratrie élevée, en partie, par leur parents biologiques (décédés carbonisés) dans une maison sale, qui sentait le tabac froid où la télévision tournait en boucle. Plus jeune, Helen aspirait échapper à son destin, faire table rase de ce passé nauséabond et être adoptée par une famille aimante. Liam, quant à lui, avait un autre projet, celui de ne jamais lâcher sa sœur d’une semelle. Ainsi, traîne-t-elle sa croix depuis sa plus tendre enfance.

Excellent, tel pourrait être l’adjectif utilisé pour qualifier l’interprétation de Fabrice Gaillard, François Godart et Valérie Marinese. Tous les trois nous servent une histoire dure, ancrée dans l’actualité où des sujets comme le racisme et l’insécurité sont en première ligne.

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