C'est presque une tradition, pour un artiste anglais qui voyage de passer à Calais. Simon Faithfull ne fait pas exception et s'il traverse la Manche, en février 2015, c'est pour sa première exposition monographique en France : RECIF 2, une traversée.
II a voyagé sur terre, dans l'air, sur et sous les mers. On imagine dans cette exposition l'artiste en explorateur, digne d'un héros de Jules Verne. Quelque chose de l'aventurier chez cet homme qui embarque sur un cargo, quelque chose du savant dans sa démarche. Poussé par une curiosité scientifique, il pense ses performances comme des expériences et n'hésite pas à faire appel à des experts, à des techniciens. Les expériences que mène Simon Faithfull sont celles des limites. Comme pour Récif 2 (Reef 2), où nous assistons au renversement du rapport de force, quand le bateau, censé flotter, passe de l'autre côté de la ligne d'eau et sombre.
Quand Simon Faithfull décide de couler son propre bateau dans la Manche, l'artiste crée l’événement. Par l'intermédiaire de cinq caméras, il suit au plus près le naufrage qu'il organise. Dans le film qui en résulte pourtant, dans l'installation qui l'accompagne, le spectacle n'est pas là où on le pense. Il faut longtemps avant que le bateau ne s'enfonce dans la mer. Loin des descriptions des tempêtes, le calme et presque l'indifférence dans laquelle l'embarcation disparaît, sidèrent. On finit par plus rien voir que les vagues et il faut alors changer d'écran vidéo, regarder dans la salle qui a des allures de sous-marin ces postes d'observations qui retransmettent les images des caméras elles aussi submergées. Alors qu'une vidéo répète le naufrage, on comprend mieux ce qu'il advient de l'épave sous l'eau peu à peu habitée, peu à peu rendu au fond marin. Il s'agit autant de montrer la nature à l'épreuve de l'homme que l'homme à l'épreuve de la nature.
On décrit la mer comme le monde du silence, la pression en plus, il doit en être de même dans un sous-marin. Inutile de parler de l'atmosphère qui règne alors dans le musée ; dans de telles abysses, on n'ose pas chuchoter. Ce silence auquel nous rend Simon Faithfull c'est aussi celui qu'il traverse à bord d'un cargo, cette fois loin de la Manche. Sous forme d'un carnet de voyage, la présence de l'artiste plane et éclaire le vide d'homme des paysages qu'il filme. Nous pénétrons dans territoire de glace qui s'ouvre et se referme autour du bateau. Lors de ces voyages extrêmes, les terres qu'il aborde ont été fuies, récupérées par des colonies de lion de mer. Vue du hublot rien que l’océan, les vagues et les côtes sauvages ; une vue qui cède peu à peu à l'angoisse. Dans ce monde quelle est réellement la place de l'homme ?
Tracés au radar, les dessins électroniques de l'artiste élabore une étrange cartographie. Comme si disparu de tous les écrans, il restait tout de même une trace de l'homme dans le paysage. Une présence de l'humain jusque dans les instruments dont il s'est doté. L'artiste est un homme mort, il se représente en noyé : peut-être la machine survivra-t-elle à l'homme, les caméras devraient continuer de documenter la vie sous marine de Reef.
Accompagner un artiste n'est jamais sans danger et sur les pas de Simon Faithfull, on ne sort pas indemne d'une telle plongée.
RECIF 2, une traversée - Simon Faithfull au Musée des Beaux-Arts de Calais
Exposition du 21 février au 22 juin 2015
Du mardi au samedi de 10h à 12h et de 14h à 18h, le dimanche de 14h à 18h.
Entrée : 2€ ou 1€50 (tarif réduit)
