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Rêve d’automne au Théâtre du Nord

Rêve d’automne au Théâtre du Nord
De Jon Fosse, mise en scène de Patrice Chéreau.

      A la fin de la saison dernière, alors que Stuart Seide annonçait la programmation de la future saison, une œuvre avait retenu tout particulièrement mon attention, Rêve d’automne mis en scène par Patrice Chéreau, homme de théâtre et de cinéma qu’on ne présente plus, tant ses œuvres ont marqué les esprits (ne citons que, pour le théâtre, Phèdre, ou La Reine Margot pour le cinéma). Et c’est donc avec impatience que j’ai attendu que vienne enfin cette date. Et je ne fus pas trompé dans mes espérances…
     Avant même que le spectacle ne commence, tout le monde parlait déjà de la pièce, et surtout du décor impressionnant qui s’imposait aux regards. Il faut souligner la performance réalisée par Richard Peduzzi à ce niveau. Nous sommes dans les allées du Louvre, impossible de s’y tromper ! Des œuvres, grandeur nature, sont exposées ça et là, le décor en perspective permet même de recréer plusieurs salles – toute la hauteur de la salle de spectacle est utilisée, ce qui contribue aussi à donner aux propos des personnages une tout autre portée : perdus dans ce vide au milieu des œuvres d’art, que sont les hommes finalement ? Ne connaissant pas l’œuvre de Jon Fosse, c’est avec surprise que je découvre très vite que la pièce est sensée se jouer dans un cimetière – et dans sa présentation de l’œuvre, citant Proust, Chéreau établit le lien entre le cimetière et le musée, ce lieu où s’accumule le poids du passé. Tout est pensé dans ce théâtre, rien n’est laissé au hasard du jeu, chaque mot, chaque geste trouve un sens.
     L’histoire… Impossible à définir – on ne commence à la comprendre, d’ailleurs, que lorsque la pièce touche à sa fin. Un homme et une femme se retrouvent dans un cimetière, un soir d’automne pluvieux. Et voilà le point de départ. Ils se connaissent, mais cela semble lointain. Ils se cherchent, semble-t-il. Cette œuvre touche à des thématiques essentielles : la mort –matérialisée par le décor et qui occupe toutes les pensées des différents personnages, l’amour et la violence du désir – qui alors se trouve toujours associé à une pulsion de mort, Dieu – qui revient à des moments où on ne l’attend pas…
     L’œuvre est difficile d’accès, il ne faut pas s’y tromper – mais il faut se laisser porter et accepter que nous sommes au théâtre, dans le lieu de tous les possibles, où les temps peuvent se mêler, où le rythme peut ralentir comme s’accélérer au point de sauter des années en quelques secondes. La lange de Jon Fosse est très littéraire, elle ressemble au travail entrepris au XXème siècle par Beckett et Ionesco, mettant en évidence la fracture du langage et le vide de l’existence que certains personnages compensent par une répétition inlassable des mêmes paroles, évacuant ainsi leur peur de ne plus rien avoir à dire, c’est-à-dire mourir…
     Enfin, quelle distribution ! Valeria Bruni Tedeschi et Pascal Grégory, tous les deux beaux et grands dans leur rôle de prisonniers du temps. Leur duo fonctionne à merveille – tout est émotion de leur part, ils oscillent entre fragilité et violence, donnant à ces personnages que l’on peut considérer, les premières minutes, comme un peu niais, une profondeur inattendue.
Ainsi, il ne faut pas aller voir ce spectacle pour voir une histoire avec une belle intrigue amoureuse, des péripéties, une morale très simple – il faut aller voir ce spectacle pour être submergé par une des forces majeures du théâtre, c’est-à-dire montrer avec violence aux hommes un reflet d’eux-mêmes et les faire réfléchir sur leur vie. On dépasse le simple divertissement ici – même s’il est aussi présent - pour entrer dans un lieu où tout devient énergie et dont on ressort avec des questions que l’on ne se posait pas en y entrant.

Un spectacle à voir au Théâtre du Nord du 8 au 18 mars 2011
 

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