Le spectacle Tauberbach créé en 2013 était présenté à l'Opéra de Lille dans le cadre du Next Festival. Le chorégraphe et metteur en scène Alain Platel, avec cinq danseurs de sa compagnie Ballets Contemporains de la Belgique (Ballets C de la B) et la comédienne néerlandaise Elsie de Brauw, a réussi avec brio à nous transporter dans un univers original mêlant danse, chant, musique et théâtre.
Les artistes évoluent sur une décharge de vêtements, un dépotoir où les corps se meuvent, se fondent aux tissus. Ce décor apocalyptique met en scène le personnage tyrannique et schizophrène, interprété par Elsie de Brauw. La comédienne vocifère parfois en anglais et parfois dans une langue inconnue sur un personnage imaginaire, invisible et céleste dont le spectateur n'entend que la voix. La relation malsaine et perverse entre les deux met en exergue la jouissance de ce personnage autour de l'enfermement, l'introversion et la régression primitive des artistes. Dans sa démence, la comédienne entraîne les cinq danseurs, chacun vivant tel un animal domestique ou un enfant innocent, naïf. Alain Platel retranscrit avec poésie, un monde insensé où chacun, désarçonné semble perdre ses valeurs. La musique de Bach fait écho à une civilisation où la cohérence existait. Le chorégraphe ajoute à son spectacle, un choral de Bach dissonant, chanté par des sourds ("tauber" signifiant "sourd"). Au travers de cette pièce, Alain Platel s'interroge sur la place de la diversité, de la marginalité, de la maladie dans une humanité où il n'y en a pas.
L'absurdité de cette pièce est savamment maîtrisée. Les danseurs et la comédienne sont fabuleux, chacun rayonne par son style, son originalité, ses prouesses techniques et sa présence scénique. Le chorégraphe a su harmoniser la scénographie, les artistes, la musique, le chant et le théâtre pour projeter le spectateur au-delà de son imaginaire.
