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We were horses – Carlson & Bartabas à Bruay-La-Buissière

Transe équestre et danse hypnotique

L’art et la pratique équestres séduisent un large public dans le Nord – Pas-de-Calais, pratiquants ou admirateurs. Après le Cadre Noir de Saumur qui avait empli plusieurs jours le Stade Couvert de Liévin, le double spectacle conçu par Carolyn Carlson et Bartabas à l’abri de la friche Plastic Omnium à Bruay-La-Buissière fait aussi salle comble.
Les deux maîtres – danse contemporaine pour l’une, art équestre pour l’autre – ne sont pas (comme parfois) acteurs de leur spectacle. Tout juste aperçoit-on Bartabas tourner inlassablement sur un tracteur, avant l’entame de la partition, malaxant le sable noir (poussière volcanique) sur lequel évolueront ses chevaux. Geste indiquant son souci maniaque du détail, mais aussi symbole de ce qui va suivre : un tourbillon incessant, un maelström qui mêlera les silhouettes athlétiques, humaines et animales, dans une longue transe.

Transe musicale

La composition de Philip Glass, « Music in twelve parts », écrite au début des années 70, compte beaucoup dans l’envoûtement qui s’en suit. On comprend que cette musique, plus répétitive et obsessionnelle que celle composée à la même époque par Mike Oldfield, même si les mélodies s’en approchent, puisse agacer ceux qui n’entrent pas dans la sarabande sensuelle : lors de la première, les photographes de presse, concentrés sur les images, s’avouèrent stressés sinon agacés par le son. Au contraire, le public (qui n’a pas le droit d’applaudir), finit pour sa part en état d’hypnose. Même si, bien sûr, on devine dans la foule serrée des gradins, énormément d’amateurs de chevaux, venus pour Bartabas sans grande connaissance de Carolyn Carlson.

Les mêmes, sans doute, ont vu le Cadre Noir à Liévin. Ici, la prouesse est nettement moins technique, on ne passe pas en vue le catalogue des figures de style du dressage, et quelques erreurs ou maladresses des cavaliers l’indiquent. Un seul des chevaux ibériques maîtrisait parfaitement le pas espagnol, sa cavalière étant aussi plus adroite. Mais la difficulté est d’un autre ordre : les montures évoluent dans une scène étroite, de 20 m sur 20. Les douze écuyers doivent chevaucher dans le même temps, parfois côte à côte, et rester aussi en harmonie avec les seize danseurs.

Temps réduit et pari fou

Seuls six danseurs ont commencé les répétitions en avril, puis Bartabas et Carolyn Carlson ont étoffé leur équipe, l’un au sein de ses grandes écuries de Versailles, l’autre au CCN de Roubaix, puis ils se sont envoyé des vidéos, et finalement l’ensemble de l’inhabituelle troupe n’a eu que quatre jours de répétition collective en mai pour peaufiner ! Le résultat n’en est que plus remarquable, même si au beau milieu du spectacle que nous avons vu samedi 28 mai au soir, un cheval, incontrôlable depuis déjà un long moment, a du quitter la scène, après avoir bousculé un danseur. Quant aux danseurs, ils parviennent à cacher l’extrême difficulté de sauter et porter sans appui sur ce sol meuble.
Chevaux ibériques pour les figures, chevaux argentins semble-t-il pour les sprints échevelés des amazones (mains libres !), et sans doute un souple quarter horse pour un rodéo au centre de la scène, toute cette cavalerie adroite apporte une saisissante variété d’impressions. Les dos nus, musclés à l’identique, des danseuses et des cavalières - omoplates aussi vibrants et nerveux que les attaches des chevaux -, indiquent que l’effort physique est cousin. Les danseuses de Carolyn Carlson jouent de leurs longues chevelures, répondant aux crins des chevaux. L’ensemble est sauvage, sensuel, même le néophyte ne saisissant pas la complexité de la maîtrise des chevaux ou les figures de danse contemporaine peut se laisser transporter.

Dernières représentations 31 mai, 1er juin à 20h30. Le spectacle migrera ensuite à Lyon (Nuits de Fourvière) et Monaco.

 Carolyn Carlson avait créé Waterborn dans la piscine Art déco de Bruay. Cette fois, le théâtre original, déniché par l’Américaine de Roubaix, est la friche de l’ancien équipementier automobile Plastic Omnium. Un gigantesque bâtiment de tôle et de béton (pour accéder au parking les voitures tournent autour comme tourneront les chevaux quelques minutes plus tard sur la scène…) présenté à Carolyn Carlson par Jean Morel, l’adjoint local à la culture, dans le cadre de Béthune 2011, capitale de la culture régionale. Une friche récente puisque Plastic Omnium, qui a transféré sa production à Ruitz, s’était installée en 1985 sur l’ancien carreau de fosse 4.
Le lieu, vaste, était idéal pour accueillir les chevaux, lesquels ont besoin de recul autour de la scène. La musique lancinante de Philip Glass est répercutée par la structure métallique. Encore faut-il une sono à la hauteur : samedi soir, les transitions entre silences et reprises musicales ont été gâchées, la bande son cafouillant ses premières secondes.
 

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