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Luke, Puggy & Absynthe Minded au Splendid

Casser la voix…

Lorsqu’on entre dans le Splendid ce soir, il y a comme une légère odeur de fruit. Ces Paradis Artificiels sentent bons le printemps et sous nos yeux deux groupes relativement peu connus vont s’ouvrir comme le font les fleurs.

Le premier d’entre eux est Absynthe Minded, un groupe presque de chez nous puisqu’il vient de Gand. Une musique tsigane vient chauffer les cœurs, les lumières s’éteignent et on commence à taper des mains. Entre une guitare tantôt acoustique, tantôt électrique, une basse flottante ou une contrebasse jazzy, et un violon aigu ou distordu, on ne sait pas trop quel style qualifie au mieux les différentes facettes musicales du groupe. Pourtant il y a une chose qui est évidente : lorsqu’on écoute plus attentivement la voix de Bert Ostyn (chant, guitare) proche de celle de John Stargasm (Ghinzu), les chœurs façon Girls In Hawaii et cette énergie dosée si spécifique des groupes belges, il est difficile de ne pas retrouver les caractéristiques de la « belgitude » chez Absynthe Minded.
Après quelques titres, Bert présente Heaven Knows, le prochain morceau : « C’est une chanson de notre dernier album (Absynthe Minded, ndlr) qui sort en mai… »  Mais Sergej Van Bouwel (basse, contrebasse) le corrige : « En France c’est en juin en fait… (rires) Le 7 ! »  L’ambiance du concert change à chaque titre, entre pop acoustique et rock garage. Soudain, une mélodie interpelle les novices. My Heroics, Part One est un des morceaux les plus connus du groupe, d’autant que ce titre, élu meilleure chanson de la décennie par la radio flamande Studio Brussel, a dix ans maintenant. Le public, qu’il l’ait reconnu ou non, se laisse porter par sa rythmique envoûtante.
« Merci bien, on est très excité d’être ici ce soir » avoue Sergej. « C’est pour ça qu’il a mis son costume blanc ! » lance Renaud Ghilbert (violon). Le groupe enchaîne avec le premier single extrait d’Absynthe Minded, Envoi. Comme il tourne en ce moment sur certaines de nos ondes, il y a déjà plus de gens qui connaissent ce titre et accompagnent ainsi le groupe en tapant des mains et en chantant. Les belges achèvent leur set avec Dead On My Feet, et son solo de violon distordu qui donne des allures de guitar hero à Renaud. Absynthe Minded quitte la scène presque pressé sous les applaudissements et sur ces quelques mots : « Désolé, c’était notre dernière chanson ! »

Après une demi-heure d’attente et de changement de plateau, c’est au tour de Puggy de faire son entrée en scène. Officiellement le groupe est belge puisqu’il réside dans la capitale européenne, mais il est en fait composé de l’Anglais Matthew Irons (chant, guitare, piano), du Français Romain Descampes (basse) et du Suédois Egil « Ziggy » Franzen (batterie). Dès le premier titre, I Do (là encore, un single qui tourne sur nos ondes), le chanteur enflamme le public avec ses refrains tendus et son énergie. On se rend très vite compte que l’alchimie du trio est une force incroyable sur scène.
« Vous voulez des chansons d’amour ? » demande Matthew. Comme pratiquement personne ne lui répond, il poursuit : « Des chansons d’amour qui finissent mal ?... (toujours rien)… Ok ! Just shut up and play ! » finit-il par lancer, le sourire aux lèvres. Puggy poursuit donc avec How I Needed You, un morceau qui débute par une superbe ballade piano/guitare avant que la voix magistrale de Matthew ne vienne tout emporter sur son passage. C’est d’ailleurs par ces changements de rythme et ces envolées qu’on reconnaît la musique du groupe. Car Puggy joue aussi bien le funk hispanique que la pop, le folk ou le rock progressif et ne peut donc pas se ranger dans n’importe quelle case.
Alors qu’on est sidéré par le chant de Matthew et sa gueule d’ange semblable à celle de Jared Leto, « Ziggy » nous montre lui aussi l’étendue de son talent : il tape tellement fort sur ses fûts qu’on a presque l’impression d’être dans une salle trois fois plus grande. Romain n’est pas en reste puisqu’il est capable d’aller chercher sur sa basse des sons aigus qu’on entend rarement. Entre anglais et français, Matthew tient à garder le contact avec le public entre les morceaux : « This is not the last song. This is about a lady, a pretty lady who loves money ». Le titre en question, Teaser, avec sa rythmique sautillante est accompagné par les applaudissements d’un public joyeux.
Sur une autre chanson, Puggy s’amuse à s’arrêter net en plein milieu du titre. Le chanteur explique alors : « Tout le reste de la tournée dépend de vous et de ce que vous allez faire maintenant ! » Matthew divise approximativement la fosse en trois et demande à chaque partie de tenir une note pour le pont. Une fois tout le monde prêt, le morceau reprend de plus belle. Avec un chanteur totalement habité par sa musique, les membres de Puggy risquent d’aller encore loin. Ces mecs-là sont des rock stars en puissance qui jouent avec bien plus que leurs tripes, qui communiquent sans se forcer leur brin d’énergie folle et franchement, ça fait du bien. C’est donc ovationnés qu’ils nous saluent avant de partir.

On attend avec impatience l’arrivée de Luke. C’est sur Elephant Gun de Beirut que le groupe fait son entrée, et commence sa setlist de manière simple mais efficace, en suivant celle de son dernier album, D’Autre Part. C’est donc Fini De Rire qui ouvre le bal, puis Le Robot et Pense à Moi, que le public chante en chœur. La foule secoue la tête, les corps remuent mais sur scène, on a le sentiment que Luke se retient un peu, ou que quelque chose ne va pas. Mais soyons clairs : Thomas Boulard (chant, guitare) donne tout et le groupe n’hésite pas à extrapoler les versions studio de chaque titre ; c’est juste qu’on n’assiste pas à l’explosion de rage qu’on espérait. Peut-être qu’elle viendra plus tard avec des titres plus anciens. Et c’est ce qui arrive avec Soledad et les premiers pogos dans le public.
La tension ne faiblit pas avec Les Amants de Valence (où Thomas chante même a capella) et Je Suis Cuba. L’artiste commence ensuite un morceau, mais le reste du groupe n’est pas prêt. Il en profite donc pour s’adresser au public : « Je m’étais dit qu’en venant à Lille je pourrai boire…/ De la merde ! », l’interrompt un homme du public pour rire. Réceptif, Thomas enchaîne : « Oui ! Pas de bonne bière ce soir. Et vous, vous buvez quoi ? »
Puis l’ambiance se fait plus intimiste sur Monsieur Tout Le Monde, avant d’exploser de nouveau avec les célèbres La Terre Ferme et La Sentinelle. Mais des soucis techniques viennent perturber la dynamique du concert. « Qui est-ce qui a la poisse dans la salle ? » demande Damien (basse). Cette petite remarque anodine semble en énerver quelques-uns qui se mettent à s’agacer ouvertement. Thomas, qui tente de ne pas perdre son sang-froid, ironise : « En fait chez vous, faut aller vite ». Luke enchaîne avec Faustine, mais la bonne humeur semble s’être dissipée.
L’air dérangé par quelque chose, le chanteur se concerte avec son groupe avant de se tourner vers le public : « On va se dire les choses : c’est une soirée de merde. C’est pas n’importe quoi de jouer dans le Nord, c’est pas n’importe quoi de jouer à Lille, mais voilà, ce soir, j’ai plus de voix ». En toute modestie, Thomas s’excuse sincèrement pendant plusieurs minutes, s’en veut d’en avoir un peu trop fait (le groupe était en showcase à la Fnac dans l’après-midi) et de ne pas pouvoir achever le concert. Le groupe nous offre malgré tout un dernier titre qui finit de manière décousue, les instruments s’arrêtant les uns après les autres. Dès que Romain (batterie) arrête de taper sur ses fûts, le public explose en cris et en applaudissements, tandis que les autres membres de Luke remontent sur scène.

Thomas a encore forcé sur sa voix pour cet ultime morceau, et c’est la gorge couverte d’une écharpe qu’il reprend le micro pour s’excuser à nouveau. A l’évidence, le groupe est aussi déçu que le public qui le soutient pourtant. Le chanteur, qui tripote son pied de micro comme pour évacuer sa déception et son énervement, se confond en excuse : « On est vraiment désolé de faire ça ici ». La foule ne leur en tient pas rigueur, acclame Luke et attend que le groupe ait vraiment quitté la scène pour s’en aller à son tour.

Le même soir toujours dans le cadre des Paradis Artificiels, Wax Tailor, Archive & Alice Russell étaient au Zénith alors que Montgomery jouait à La Péniche.

Absynthe Minded - Envoi

Puggy - I Do

Luke - Pense à Moi

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