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Sergent Garcia – Festival Mix’Cité à l’Université Lille I

Retour à la fac à l'occasion de la 10e édition du festival Mix'Cité organisé à Lille I. Carnaval, village du monde, animations musicales et théâtrales, on n'avait pas connu, à notre époque, le campus aussi festif. Arrivé lors du set d'Alek Et Les Japonaises distillant leur douce folie, on s'imagine bien, devant un tel spectacle, reprendre des études.

 

Patientant devant la scène principale, attendant que la soirée musicale organisée débute, on observe amusé la jeunesse estudiantine. De-ci de-là, elle prend un bain de soleil, se roule dans l'herbe, roule de l'herbe, boit des bières, dragouille, refait le monde lors de discussions passionnées... Les cheveux longs ne sont pas légion mais un esprit soixante-huitard flotte dans l'air.

Les balances terminées, le planning de la soirée ayant subi quelques retards, il est enfin temps de « foutre le barouf » avec La Familya. Une smala partageant le goût du métissage mis en avant par le festival. Le groupe mélange, en effet, de manière explosive Reggae, Ska, Dub, Hip Hop et Rock. Une hybridation des styles au service d'un univers riche et festif. Mais qui n'oublie pas pour autant de délivrer un message comme sur les morceaux « A Coups De Rames » évoquant le cas des boat-people ou « Des Millions » sur le gaspillage des ressources naturelles pratiqué dans le monde occidental. Pourtant victime d'un problème technique dû à un problème d'alimentation électrique, La Familya, menée par Greg et Much au chant, réussit à embarquer le public grandissant « dans son combat ». Cuivres rutilants, rythmes entrainants (excellente section basse-batterie), guitare explorant des sonorités Funky à grands renforts de pédale wah-wah, présence scénique indéniable, la formation aborde le Reggae à bras-le-corps et évite tout cloisonnement musical, offrant ainsi un spectacle ne s'adressant pas uniquement aux amateurs de mélopées jamaicaines. A revoir entre autre, le 5 juin 2011 en première partie de Seun Kuti.

L'ambiance enfumée d'un concert Reggae pouvant ouvrir l'appétit, rien de tel qu'un fish and chips. Direction Londres donc avec le groupe Big Boss Man. Le Londres des Swingin' Sixties. Rythm N' Blues, Funk, Soul, Boogaloo sont autant d'influences que ce grand patron brasse comme d'autres les billets verts. L'esprit est vintage mais évite le piège de la ringardise ou du passéisme sous-jacent à ce type de musique et réserve son lot de surprises avec ses percussions brutes dignes du Incredible Bongo Band. Peu de paroles. La majorité des compositions sont des instrumentaux. L'orgue de Nasser Bouzida en est la pièce maitresse. La priorité est donnée au groove. Bassiste tatoué, guitariste au look Mod, batteur black frappant comme un forcené mais ne laissant pas le feeling au vestiaire, cette atmosphère purement britannique est irrésistible.

L'alcool commençant à faire son petit effet sur les festivaliers, un pétage de plombs généralisé se fait ressentir avec la montée sur scène d'Eclectek. Eclectek comme éclectisme. Le groupe n'ayant pas peur de faire fusionner, souvent dans un même morceau, divers styles musicaux: Hard, Hip Hop, Funk, Electro... Cela n'est pas sans rappeler la folie furieuse de Mike Patton et de ses Fantomas ou Mister Bungle. Déguisés comme des super-héros d'un nouveau genre, les membres du combo n'hésitent pas affirmer qu'ils font « de la merde ». Et si l'ensemble est quelques fois brouillon car victime de trop de dispersions, il regorge néanmoins d'excellentes idées. Telle cette alliance de la voix masculine et virile aux forts accents Métal de Stouff à la sensualité Funky de l'organe de Klem. Leur attitude décomplexée de frontmen aguerris, leur humour et leurs harangues vindicatives soulèvent au sens propre le public, headbangant et slammant sous le soleil couchant.

L'heure de la révolution a enfin sonné. Pour pallier au retard pris par l'organisation et respecter l'horaire de passage prévu au départ, le Sergent Garcia fait son entrée plus tôt dans l'ordre prévu. Plutôt une bonne chose, les esprits et les jambes étant chauffés à blanc. La joie de retrouver Bruno Garcia, tout de blanc vêtu, et ses douzes musiciens, après cinq ans de silence discographique, est palpable. Le « Medecine Man » introductif envoie immédiatement son lot de bonnes vibrations. Le Salsamuffin (subtil mélange de flow Reggae-Ragga et d'airs Latinos) concocté par le groupe prend une réelle dimension dans l'énergie du Live. Jamais Salsa, Cumbia et Bolero n'auront autant remué une foule. La nuit est tombée mais il fait plus chaud que jamais. L'Universitad est en liesse. Réagit vivement aux titres anciens (« Amor Pa Mi », « Long Time ») et plus récents, issus du dernier album en date (« Yo Soy Salsamuffin », « Chacun Son Combat », « Una Y Otra Vez », « Acho Bai Bai »). Des invitations à la fête, gorgées de soleil et d'une richesse musicale qui, si elle traîne une influence sud-américaine évidente, laisse la place à d'autres sonorités (rythmes africains, gros Beats Electro). En un mot: caliente.

Impératif de métro oblige, à plus de minuit passé, le site se vide largement pour la venue du Doctor Ring Ding. Cela ne refroidira en rien ce docteur frappa-dingue qui prescrira sa médecine douce aux plus courageux jusque deux heures du matin. D'origine allemande, blanc de peau, cette tête d'affiche improvisée à la carrure de catcheur toaste comme un voyou de Kingston et, à travers son Raggamuffin Dance-Hall, rend hommage à une culture pour laquelle il se dévoue corps et âme depuis plus de vingt-ans. Le nom de Gregory Isaac, son idole, est souvent cité. Le chanteur s'imagine même interpréter un duo virtuel avec lui en imitant, parfaitement, son timbre de voix particulier sur la reprise de « My Love Is Right ». Il réussit à créer l'exploit en reprenant en français et sans tomber dans le ridicule « L'Hymne A L'Amour » d'Edith Piaf à la sauce jamaïcaine. L'esprit est bon enfant. Les chansons ne manquent pas d'humour, telle celle dédiée à la vodka polonaise. Rarement visite chez le docteur n'aura été aussi plaisante.

 

C'est donc usé et les jambes en compote que l'on quitte l'université de Lille I en cette heure si tardive. Mais avec le coeur léger comme un nuage de fumée. Ravi qu'un tel événement, gratuit on le rappelle, puisse exister dans la Métropole.

 

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